Cheptel, 2023
Au total, 77 % de la laine des 6,5 millions de moutons élevés en France pour le lait ou pour la viande sont exportés en Chine. Le reste est jeté ou vendu à bas prix, parce que le coût de la tonte dans l’Hexagone (1,50 euro par bête) est supérieur aux revenus que procure la toison. Cheptel est la matérialisation d’un réseau de savoir-faires internes au territoire pyrénéen valorisant les laines rustiques locales – Depuis la récolte de la matière brute, sa transformation, jusqu'à l'élaboration et la mise en forme de l'objet final, le projet a été pensé et fabriqué en duo, avec la designeuse coloriste Esther Bapsalle basée à Bordeaux. Non adaptées aux critères de l'industrie textile, les laines des brebis pyrénéennes basco-béarnaises sont uniquement destinées à être jetées et brûlées clandestinement: il s'agit d'une nouvelle approche de l’utilisation de ces laines considérées comme déchets, en tant que matériau souple et un manifeste de l’attraction durable entre les humains et les bêtes. Inspirée par les manteaux traditionnels turcs (les kepeneks) s'utilisant à la fois comme cape lors du mouvement et comme abri ou tente lors du repos, la structure de l’objet repose sur ces quatre entailles dans la matière, soutenue par l'entrelacement des poils et de l'élément structurel en métal. Les deux couleurs – le blanc et le gris, se retrouvant chacun d'un côté et de l'autre de l'objet - sont les couleurs naturelles du même cheptel. Nous proposons une sculpture littéralement souple, à la limite du périssable. Les formes et leurs vibrations naissent du poids, de la densité de la matière et de sa fabrication artisanale. Ainsi, à chaque installation ou exposition, l’imprévu fabrique une sculpture modulable provisoire, non-fixe, informe, par laquelle nous avons cherché à traduire l’histoire de cette matière, sa beauté et son déclin, mais aussi un certain pouvoir de rébellion. Les lanières et le travail sur la découpe se réfèrent à ce qu'est le vêtement pour l'humain, tandis que l'échelle de l'objet et l'utilisation de formes géométriques simples parlent d'architecture, et enfin, la matière elle même – les vibrations de sa surface, son épaisseur, son poids, sa rugosité et son odeur - rapporte l'objet directement à la bête. Le hasard participe à l'œuvre, et il devient en quelque sorte sa matière première. Le feutre a le pouvoir de conserver et de protéger, mais aussi encore d’être le lien magique entre nature et culture, naissance et mort, animalité et humanité. Des notions dangereuses pour une industrie qui préfère la docilité, les planifications et la fabrication à la chaîne.
Au total, 77 % de la laine des 6,5 millions de moutons élevés en France pour le lait ou pour la viande sont exportés en Chine. Le reste est jeté ou vendu à bas prix, parce que le coût de la tonte dans l’Hexagone (1,50 euro par bête) est supérieur aux revenus que procure la toison. Cheptel est la matérialisation d’un réseau de savoir-faires internes au territoire pyrénéen valorisant les laines rustiques locales – Depuis la récolte de la matière brute, sa transformation, jusqu'à l'élaboration et la mise en forme de l'objet final, le projet a été pensé et fabriqué en duo, avec la designeuse coloriste Esther Bapsalle basée à Bordeaux. Non adaptées aux critères de l'industrie textile, les laines des brebis pyrénéennes basco-béarnaises sont uniquement destinées à être jetées et brûlées clandestinement: il s'agit d'une nouvelle approche de l’utilisation de ces laines considérées comme déchets, en tant que matériau souple et un manifeste de l’attraction durable entre les humains et les bêtes. Inspirée par les manteaux traditionnels turcs (les kepeneks) s'utilisant à la fois comme cape lors du mouvement et comme abri ou tente lors du repos, la structure de l’objet repose sur ces quatre entailles dans la matière, soutenue par l'entrelacement des poils et de l'élément structurel en métal. Les deux couleurs – le blanc et le gris, se retrouvant chacun d'un côté et de l'autre de l'objet - sont les couleurs naturelles du même cheptel. Nous proposons une sculpture littéralement souple, à la limite du périssable. Les formes et leurs vibrations naissent du poids, de la densité de la matière et de sa fabrication artisanale. Ainsi, à chaque installation ou exposition, l’imprévu fabrique une sculpture modulable provisoire, non-fixe, informe, par laquelle nous avons cherché à traduire l’histoire de cette matière, sa beauté et son déclin, mais aussi un certain pouvoir de rébellion. Les lanières et le travail sur la découpe se réfèrent à ce qu'est le vêtement pour l'humain, tandis que l'échelle de l'objet et l'utilisation de formes géométriques simples parlent d'architecture, et enfin, la matière elle même – les vibrations de sa surface, son épaisseur, son poids, sa rugosité et son odeur - rapporte l'objet directement à la bête. Le hasard participe à l'œuvre, et il devient en quelque sorte sa matière première. Le feutre a le pouvoir de conserver et de protéger, mais aussi encore d’être le lien magique entre nature et culture, naissance et mort, animalité et humanité. Des notions dangereuses pour une industrie qui préfère la docilité, les planifications et la fabrication à la chaîne.




